<</>> Par Badr Karkbi
Chercheur en sciences politiques
Université de Bordeaux
Membre du LAMEO
Institut Montpensier
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Abstract
Ten years after the popular uprising, the Maghreb seems to be going through a transition. The end of the history has only begun in this region of the world and Tocqueville can rejoice in the inevitable advance of the democratic regime. This register, which carries both political and societal dynamism, is struggling to achieve its ideal. Does this mean that the Arab Spring reiterates the historical logic concomitant with all the major upheavals? By focusing on Tunisia, we favour the sense of compromise as the underlying device of democracy. Tunisia’s encounter with the West took place long before the colonial shock. Tunisia is distinguished by exceptional cultural borders and ignores the confessional cleavages that tear apart the Mashreq countries and ignores the linguistic hiatuses that cross the Maghreb (Berberism, Arabism). In a democracy of concordance, decision-making is not based on the principle of majority as in democracy, but on the search for accepted compromises. This cradle of the Arab Spring has been distinguished by a frequent recourse over time to compromise that has varied between political instrumentalization and historical reconciliation.
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Résumé :
Dix ans après le soulèvement populaire, le Maghreb semble vivre une transition. La fin de l’histoire ne fait que débuter dans cette région du monde et Tocqueville peut se réjouir de l’inéluctable avancée du régime démocratique. Ce registre, porteur d’un dynamisme à la fois politique et sociétal, peine toutefois à atteindre son idéal. Est-ce à dire que le printemps arabe réitère la logique historique concomitante à tous les grands bouleversements ? En nous intéressant à la Tunisie, nous privilégions le sens du compromis comme dispositif sous-jacent de la démocratie. La rencontre de l Tunisie avec l’Occident s’est opérée bien avant le choc colonial. La Tunisie se distingue par des frontières culturelles exceptionnelles et ignore les clivages confessionnels qui déchirent les pays du Machrek et ignore les hiatus linguistiques qui traversent le Maghreb (berbérisme, arabisme). Dans une démocratie de concordance, la prise de décision ne se fonde pas, comme dans la démocratie majoritaire, sur le principe de majorité, mais sur la recherche de compromis acceptés. Ce berceau du printemps arabe s’est singularisé par un recours fréquent dans le temps au compromis qui a varié entre l’instrumentalisation politique et la réconciliation historique.
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Il est certain que tout n’a pas été dit sur le printemps arabe. La profusion des publications scientifiques autour de cet événement majeur traduit deux soifs : celle des chercheurs de vouloir dépasser le paradigme de l’éternel autoritarisme arabe, et celle des peuples aspirant à la liberté. Le printemps arabe, comme un moment intermédiaire entre ces deux aspirations, ne mérite ni tant d’enthousiasme ni un manque d’intérêt. Comme son nom l’indique, il est une saison parmi d’autres, certes lumineuse, mais invite à la prudence. En effet, le Maghreb en général, et la Tunisie plus particulièrement, ont démontré un « caractère génital » de résistance vis-à-vis de l’expansion du modèle démocratique. Quelque dix années après ce soulèvement populaire, le Maghreb semble bien vivre une transition. La fin de l’histoire ne fait que débuter dans cette région du monde et Tocqueville peut se réjouir de l’inéluctable avancée du régime démocratique. Ce registre, porteur d’un dynamisme à la fois politique et sociétal, peine toutefois à atteindre son idéal. Est-ce à dire que le printemps arabe réitère la logique historique concomitante à tous les grands bouleversements ? Pour accréditer cette thèse, les exemples ne manquent pas. La République française propulsée par la révolution bourgeoise de 1789 ne s’est consolidée qu’en 1875 avec la IIIe République. Entre temps, la France connut les formes les plus variées : Empire, Directoire, Consulat, avec des retours ponctuels à la Monarchie. L’Histoire est ainsi un rapport de force qui bouleverse les anciens équilibres et se consolide dans une dialectique gramscienne entre l’ancien et le nouveau. Le printemps arabe n’échappe pas à cette grille de lecture. Entre la nostalgie de l’ancien régime et la promotion d’un nouvel ordre démocratique, se joue le sort de plusieurs pays de la région.
Aux confins de ce processus, le Maghreb ne se situe ni dans le registre de la glaciation ni dans celui de la mutation intégrale. Il fait preuve d’une adaptation avec les standards internationaux tout en préservant sa singularité. Si le premier volet a été largement examiné, le second demeure relativement peu questionné. Pour rendre compte de cet aspect, nous avons choisi de s’intéresser au compromis comme un dispositif sous-jacent de la démocratie qui participe activement dans l’édification d’une culture politique axée sur le dialogue et le vivre ensemble. Pierre angulaire du contrat social, le compromis s’oppose à une conception instrumentale de la rationalité en politique. Il invite à une compréhension moins individualiste et plus communautaire du libéralisme. Pour Mohammed Nachi, le compromis peut être défini « comme une forme de régulation dont le but est de résoudre les différences, les désaccords, de régler les conflits et les crises de manière pacifique tout en respectant les principes du pluralisme et de la différence ». (Nachi, 2017, p.25). Par ce processus pragmatique, les partenaires cherchent à parvenir à un accord au prix de certains accommodements, adaptations et concessions réciproques entre des valeurs ou des intérêts divergents. En cherchant à résoudre un conflit, elle implique un processus interactif, animé par une intention commune des parties de s’y engager, une divergence quant à une décision à prendre, et une séquence de phases et d’épisodes clairement identifiables, avec des rituels d’ouverture et de clôture. Ainsi, il est un moyen de pacifier les relations humaines et un rempart contre la violence et la guerre civile. La présente contribution cherche à déplacer la pratique du compromis au cœur du processus démocratique à travers le cas tunisien. Ce berceau du printemps arabe s’est singularisé par un recours fréquent dans le temps au compromis qui a varié entre l’instrumentalisation politique et la réconciliation historique.
Historiciser le compromis en Tunisie
Le compromis occupe une place singulière en Tunisie. Selon une représentation convenue de son histoire : « celle-ci se caractériserait par la place déterminante qu’y aurait jouée la recherche du compromis. Cette disposition, par laquelle on explique les principaux changements politiques et sociaux, est associée à d’autres notions telle que la « tunisianité » ; ou le « réformisme », mis au service d’une interprétation « irénique et téléologique de l’histoire » (Marzouki, N., 2016). Qualifiée « d’anomalie arabe » (Sefwan, 2018), la Tunisie se démarque par une osmose des Lumières et d’humanisme en terre d’islam. Ce n’est pas étonnant que les éloges pleuvent sur un pays à la fois enraciné et coupé du monde arabe. Sans exagérer le mythe de « l’exception tunisienne » comme l’a rappelé Michel Camau, il est notoire d’évoquer sa spécificité qui fait que le compromis s’érige en esprit national s’il est permis de paraphraser Montesquieu. Avant de percer les éléments constitutifs de cette alchimie, il convient tout d’abord de « débourguibiser » la Tunisie pour mieux la retrouver. Autrement dit, il faut remonter à l’ère d’avant Bourguiba, pour mieux apprécier et saisir ses composantes sociales. S’attarder sur l’exception tunisienne, c’est examiner une modernisation avant l’heure, et à rebours de ses voisins, antérieure au processus de la colonisation. Ce saut qualificatif d’un pays maghrébin dans un mouvement général de civilisation n’est pas étranger à l’esprit tunisien. En effet, l’histoire de la Tunisie plonge ses racines dans une civilisation millénaire qui commence avec les Phéniciens de Tyr, peuple marin et commerçant, qui se sont installés en Tunisie à la fin du XIIe siècle av. J.C. . La rencontre avec l’Occident s’est opérée bien avant le choc colonial, lorsque Tunis œuvrait pour un échange productif, fructueux et fécond, caractérisé par un esprit réformiste qui se cristallise dans la « tunisianité »[1]. On y trouve l’une des plus vieilles copies de la Thora à la Ghriba de Djerba, lieu de pèlerinage des Juifs du monde entier. Le christianisme a pu voir l’émergence à Ifriqiya de trois célèbres papes, Saint-Victor 1er au IIe siècle, élu pape à Rome en l’an 189, Saint-Miltiade au IVe siècle, élu pape à Rome en l’an 311 et Saint-Gélase au Ve siècle, élu pape en l’an 492. Tunis s’est également imposée comme capitale du monde musulman tour à tour pour les chiites avec la dynastie des Fatimides, et celle de l’Occident avec Kairouan (Zghal, 2015).
Au carrefour de plusieurs civilisations, la Tunisie se distingue par des frontières culturelles exceptionnelles pour reprendre Fernand Braudel. Elle ignore les clivages confessionnels qui déchirent les pays du Machrek et ignore les hiatus linguistiques qui traversent le Maghreb (berbérisme, arabisme). Homogène, elle est arabo-musulmane et on peut retenir deux dates importantes qui balisent son histoire contemporaine. En 1587, Tunis comme Alger et Tripoli (à l’exception du Maroc) constitue un siège pour le pouvoir ottoman, dirigé par un pacha. Ayant divorcé avec la monarchie héréditaire à partir du XVIIIe siècle, la Tunisie a engagé un processus de réforme parallèlement avec son autonomie vis-à-vis de l’empire ottoman. L’historien Hédi Timoumi, résume avec éloquence la situation : « Si les Ottomans ont conquis la Tunisie militairement, la Tunisie les a conquis par sa civilisation ». Ce processus de démarcation a consolidé le sentiment national, déjà présent avec l’homogénéisation linguistique et sociale ancrée dans la société tunisienne. Comparée à ses homologues marocains ou algériens, la Tunisie se caractérise par une faible structure tribale, avec l’absence du Bled Siba[2]. Ce facteur, observe l’historien, explique pourquoi à Kairouan par exemple, les mœurs communément admises interdisent la polygamie bien avant les réformes de Bourguiba (Temoumi, 2009, 59). Eugène Pellissier dans sa description de la régence de Tunis, rapporte sa rencontre avec un Sahélien qui critiquait ouvertement les religions et un juge qui rompait son jeûne en plein ramadan dans la tribu de Khmeir (Pelissier, 1853, 332). Autre fait importnt dans l’histoire de la Tunisie : sous la pression des puissances étrangères, la Tunisie est la deuxième nation au monde à avoir aboli l’esclavage en 1846 par Ahmed Bey, dix ans après la Grande-Bretagne en 1836, et avant la France en 1848 et les Etats-Unis en 1865. D’autant plus que la modernisation en Tunisie était essentiellement politique. En effet, si l’expérience égyptienne (1805 – 1849) s’est focalisée sur l’aspect industriel et militaire et si l’expérience libanaise s’est consolidée aux niveaux linguistique et culturels, l’expérience tunisienne, en revanche, s’est attachée à édifier une véritable culture politique. Au cœur de cette révolution silencieuse, c’est sans doute la figure de Kheireddine Pacha (1830-1890)[3] qui illustre le mieux cette articulation entre tradition et modernité. Il estime que l’entrée en modernité ne s’effectue qu’à travers trois pierres angulaires : la réforme de la religion, le renouveau culturel et l’adoption des outils matériels du progrès. Prolongeant la réflexion des réformistes (Jamal Eddine Afghani, Mohamed Abduh), il publie un livre-programme en 1867, dont l’importance réside dans sa longue introduction, où il engage une réflexion personnelle, fruit d’une longue observation dans plusieurs pays ; Aqwam al Massalik fi Ma’rifat Ahwal Al Mamalik (Meilleurs chemins pour connaître l’état des nations), également réédité à Istanbul et traduit en turc et en anglais. Il publie son livre la même année que le Capital de Karl Marx. Mais, à la différence de ce dernier, Kheirddine expose sa conception réformiste qui défend le libéralisme politique sans renier les valeurs de l’islam. Ce compromis passe nécessairement par « la liberté politique (qui) a pour conséquence l’égalité pour tous les citoyens dans la jouissance et l’exercice de tous les droits ». Cette liberté est formalisée et garantie par les institutions qui constituent « un des plus grands avantages pour l’Etat et pour les citoyens » (Tunsi, 1987, p.121)
Le mandat de Bourguiba prolonge dans le conflit cet esprit de compromis entre l’Orient et l’Occident. Soucieux de moderniser l’Etat post-coloniale, le combattant suprême s’accorde le droit de réfléchir au moyen de rénovation nationale avec une optique nouvelle et de leur prêter le même caractère sacré et catégoriquement obligatoire qu’aux prescriptions religieuses. Cet engagement en faveur d’une modernisation forcée de la société tunisienne s’est opéré à travers une rationalisation du religieux et sa réforme. Tantôt progressiste, tantôt clerc, ces deux postures interagissent selon les contingences. C’est à ce titre qu’il décide de faire de la question du voile son cheval de bataille. Durant la résistance, Bourguiba avait mobilisé un corpus religieux contre son rival Saleh Ben Youssef pour gagner la bataille de leadership au sein du parti Destourien. Il s’ensuit son attachement opportuniste au voile comme un marqueur identitaire tunisien, avant de le considérer comme un « résidu culturel » au sens d’Edward Taylor[4].
Du compromis politique au compromis historique
Ce compromis forcé initié par Bourguiba est reconfiguré politiquement sous Ben Ali, en confinant la dimension identitaire au profit d’une stratégie politique légitimant le pouvoir en place. La stratégie politique de Ben Ali consiste en effet à faire du multipartisme non pas un moyen d’instaurer le pluralisme, et par conséquent de mettre en place les jalons du système démocratique, mais, au contraire, d’en faire le moyen d’affaiblir l’adversaire et l’outil légal empêchant l’existence d’une force politique concurrente crédible. Le pacte national du 7 novembre 1988, auquel ont participé pour la première fois les islamistes et toutes les composantes de la société civile, traduit la volonté du pouvoir de réinvestir le religieux dans l’espace public et préserver sa valeur aussi bien sociale que constitutionnelle[5]. Le pacte du 7 novembre, qui devait acter une nouvelle ère pour tous les acteurs politiques, a révélé ses limites en légitimant une démocratisation de façade. Ce scénario de reprise en main du jeu politique fut contesté aussi bien par les islamistes que par la gauche marxiste.
La politisation sous contrainte a favorisé le rapprochement de deux composantes longtemps barricadées par des barrières idéologiques. C’est dans ce sens que l’expérience pénitentiaire est significative. Au sein de ce lieu clos, se sont multipliés les ententes entre les détenus de sensibilités politiques différentes. La prison offre le temps de la méditation, car le partage d’une cellule participe davantage à rapprocher les détenus, et l’exigence de survie en contexte carcéral, « désacralise » le marqueur militant à travers une nouvelle approche relationnelle qui refaçonne l’identité des acteurs. Cette subjectivation du militantisme, engendre une prise de conscience quant à la proximité que peuvent nouer les membres entre eux. Le sport, le commerce, l’humour, et la convivialité de partager, tous ces éléments contribuent à éliminer les barrières qui séparent les détenus et rapprochent les militants aussi bien islamistes que de Gauche. Localisée, cette expérience s‘externalise avec l’exil. Face à la recrudescence autoritaire du régime bénaliste, des réseaux de militants islamistes et marxistes se sont structurés en France qui est devenue un véritable lieu d’échanges entre les opposants laïques et islamistes (Camau et Geisser, 2003, p.306). La première réunion importante s’est tenue en mai 2003 à Aix-en-Provence en présence des islamistes et de la gauche laïque, notamment du CPR et des FDTL, et a abouti à la Déclaration de Tunis du 17 juin dans laquelle les islamistes ont accepté le caractère civil de l’Etat, l’égalité entre hommes et femmes, les libertés publiques et la démocratie. Cette concertation entre les différents partis a permis d’éviter « une situation comme celle qu’a connue l’Algérie dans les années 1990, avec une montée aux extrêmes et l’affrontement sanglant entre les deux franges les plus radicales du camp laïque et du camp islamiste ». Signe du mûrissement du parti, cette ébauche d’action collective, « est issu d’un très long processus de démocratisation d’une partie du spectre islamiste » (Marzouki, 2013, p. 81). Deux ans plus tard, en octobre 2005, alors que les autorités tunisiennes se préparent à accueillir le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), huit hommes de tendances politiques diverses, nationalistes arabes islamistes, des militants d’Ennahdha, issue d’extrême gauche, indépendants, défenseurs des droits humains, ont saisi cette occasion pour entamer une grève de la faim collective illimitée[6]. Ils réclament le respect du droit de réunion, d’association et d’opinion, la reconnaissance de tous les partis politiques et exigent la libération de tous les prisonniers politiques : « La liberté de conscience, qui procède d’un choix individuel, doit être garantie à toutes les citoyennes et à tous les citoyens. Elle ne peut faire l’objet de contraintes et elle implique le droit d’adopter ou non une religion et d’affirmer les convictions de son choix ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, par l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement » (Ghannouchi, 2016, p. 181). Cette démarche significative entraînera la création du « Mouvement du 18 octobre » à Paris, en février 2006. Dédoublé, le comité du 18 octobre se scinde en deux groupes. Le premier, plus intellectuel, se présente comme un forum d’échanges sur des questions économiques et sociales. Le second, plus pragmatique, œuvre et coordonne des actions collectives sur le terrain, sous la férule des figures de proue de l’opposition comme Chebbi et Mustafa Ben Jaafar, Le collectif entend dépasser les hiatus identitaires en inscrivant son mode d’action dans une logique consensuelle et unitaire en phase avec le réformisme tunisien.
Avec le soulèvement populaire de 2011, la recherche du compris est devenu une constante dans le système politique naissant. Après une première phase postrévolutionnaire, qualifiée de « l’ère du micro-partisme » (M’rad, 2016), et caractérisée par une intrusion du peuple dans l’arène politique, le second temps dans le modelage du système partisan tunisien repose sur la refondation de l’ensemble du système et la nécessité des alliances. Ce temps de « maturité » institutionnelle qui, advient après une phase d’implosion sporadique des partis politiques, est dominé par le « consensus procédural »[7]. En effet, bien qu’Ennahdha ait gagné « arithmétiquement » en recueillant le plus grand nombre de voix, il ne peut gouverner seul. Après l’annonce des résultats de l’élection des membres de l’Assemblée nationale constituante (ANC) du 23 octobre 2011, le nouveau gouvernement baptisé Troïka, composé d’Ennahdha, Congrès pour la République (CPR) et du Forum démocratique Ettakattol, s’est formé dans une période de fragilité institutionnelle et d’effervescence de la société civile. La répartition du pouvoir au sein de l’Assemblée nationale constituante a été caractérisée par le monopole de la Troïka (l’alliance au pouvoir) dans la composition des commissions parlementaires, selon la règle de la représentation majoritaire dans les commissions prévues par le règlement intérieur du ANC. Cependant, la Troïka n’a pas pu maintenir sa force en raison de la défection d’un certain nombre d’élus qui a quitté le groupe parlementaire. Les alliances étaient changeantes et instables. En effet, la faiblesse de la structure interne des partis, la faiblesse de leur contrôle sur les élus et surtout la faiblesse de la base idéologique font que ces partis ont été de plus en plus désavoués par leurs bases électorales selon les sondages. Ettakatul enregistre périodiquement des défections de ses membres à l’ANC, des sections régionales et des affiliés par dizaines. Quant au CPR, il a éclaté en quatre partis qui continuent paradoxalement à apporter à des degrés divers leur soutien à la majorité gouvernementale (Redissi, 2016, p.11).
Dans cette nouvelle démocratie de concordance, la prise de décision ne se fonde pas, comme dans la démocratie majoritaire ou démocratie de concurrence, sur le principe de majorité, mais sur la recherche d’accords à l’amiable et de compromis largement acceptés. Tous les partis importants sont impliqués dans le processus et se voient attribuer des fonctions politiques et des postes à responsabilité dans l’administration, l’armée et la justice, proportionnellement à leur force électorale. Ceci s’explique également par la nature système électoral en vigueur en Tunisie. Basé sur la représentation proportionnelle aux plus forts restes, le système électoral favorise le multipartisme intégral et ne permet à aucune formation politique de s’assurer de sa victoire en ne disposant d’aucune majorité pour gouverner (M’rad, 2018, p. 257). En effet, la loi électorale a suscité le débat, en raison de la nature de la représentation et des moyens de prise de décision au sein de l’ISROR, qui favorisaient le consensus et la recherche de compromis. L’ISROR fonctionnait comme un véritable Parlement alternatif, en abritant les divers mouvements politiques, représentés à égalité afin d’éviter la tentation autoritaire de l’Ancien régime et l’hégémonie d’un groupe politique dans la future assemblée. Cependant, la nature du mandat constitutionnel se prêtait bien au vote à la majorité uninominale, ce qui explique que cette option ait été présentée dans l’un des deux projets présentés par le comité d’experts, qui proposait un vote à la majorité uninominale à deux tours (Tilman, 2016, p. 437). Un système de vote uninominal à deux tours peut donner lieu en effet à des concours entre individus, plutôt qu’à des idées et des programmes concurrents. Les partis et les candidats en lice peuvent effectivement avoir été encouragés à fonder leur campagne électorale sur des idées tribales et régionales, ce qui aurait pu favoriser les notables locaux, et le retour des symboles de l’ancien régime. Après avoir rejeté le vote majoritaire uninominal à deux tours, l’ISROR a voté, dans l’art. 32 du décret législatif n° 35, à la quasi-unanimité pour la représentation proportionnelle des listes de partis selon la méthode du plus grand reste. En optant pour une représentation proportionnelle limitée, qui présuppose une pluralité de circonscriptions, le problème des voix et des sièges restants, inévitable dans les systèmes proportionnels, a été résolu en utilisant la méthode du plus grand reste, qui est bénéfique aux petits partis politiques ainsi qu’Ennahdha, qui a remporté 41,02 % des sièges (Stepan, 2016).
Pour contre l’hégémonie d’Ennahdha, la création du parti Nidaa Tounes (Appel de la Tunisie) en 2012 s’inscrit dans une logique d’unification des « orphelins du bourguibisme ». Comme son nom l’indique, Nidaa Tounes est un appel qui s’adresse à toutes les forces progressistes tunisiennes pour joindre un néo projet moderniste, qui rompt avec l’ancien régime et ses mécanismes autoritaires et prolonge les acquis bourguibistes. Nidaa Tounes s’inspire du réformisme tunisien, le patrimoine humain universel, les valeurs de liberté et de justice sociale. Ses dirigeants tiennent à souligner ses racines destouriennes, sa tunisianité et son attachement à l’islam (Wolf, 2014). Parti attrape-tout, Nidaa Tounes est une « machine électorale sans idéologie claire, hormis la mobilisation du référentiel bourguibiste ». Instrumentalisant l’antagonisme identitaire Le parti a réuni des personnalités de l’Ancien régime, des progressistes, des syndicalistes, des gauchistes, des intellectuels et des hommes d’affaires autour d’un objectif strictement électoral : détrôner l’islam politique. Elu président en 2014 face à son rival Marzouki par une majorité de 55,68% des voix correspondant à 1.731.528 voix, Béji Caïd Essebsi (BCE) est un homme connu des tunisien et respecté par son sens du dialogue et du dévouement. Ses qualités le doivent, fait remarquer le politologue Hatem M’rad, à ses origines même : « Ce beldi (bourgeois) de Bab al-Aqwas, un quartier de Tunis, et une mère de Bab Souika, est habitué aux mélanges des classes dans la Médina entre les bourgeois et le peuple. Lui-même est par tempérament un homme de dialogue et de contact » (M’rad, 2018, p. 147). Après avoir remporté 86 sièges au Parlement en 2014, contre 69 pour Ennahdha, BCE a trouvé un allié en la personne de Rachid Ghannouchi, un stratège politiquement avisé et un partisan de longue date des transitions négociées. Le compromis entre les deux formations partisanes trouve son assise dans une matrice économique commune, à savoir l’attachement au capitalisme. Favorable à une orientation économique néo-libérale, Nidaa Tounes prône une économie « teintée d’un maquillage islamique ».( Ferjani, 2012, p. 113). Aussi, ce « mariage contre-nature » met le consensus au cœur de du système politique tunisien. Il institutionnalise le principe du tawafuq qui devient « un instrument politique, relevant de la stratégie, destiné principalement à éviter les confrontations et les crises dont personne n’est certain de sortir vainqueur » ( Ben Achour, 2017, p. 258).
Cette bipolarisation de la vie politique va subitement céder face à une conjoncture sécuritaire instable. La recrudescence de la violence dans l’espace public tunisien a accéléré la formation des compromis historiques. Dans une perspective théorique, Arendt Lijphart admet que le recours au compromis stabilise la démocratie, quand les sous-cultures (religion, ethnicité …) tendent à créer une instabilité politique, voire une guerre civile. Le compromis apparait donc comme « une forme d’étouffement temporaire des désaccords et de leur potentiel de violence » (Marzouki, op, cit). La question de la tenue vestimentaire, aspect visible de la modernité, a clivé dans un premier temps l’enceinte universitaire après l’interdiction des étudiantes portant le voile intégral l’accès à la faculté des arts de l’université de la Manouba. En guise de réaction, les salafistes ont attaqué une galerie d’art à Tunis. De même, dans la ville voisine de Sousse, une foule a attaqué à la bombe incendiaire une boutique d’art. Ces salafistes militants sont socialisés dans les quartiers pauvres et déshérités de la Tunisie. Ils comblent le vide créé par l’atrophie des services publics et sont devenus des acteurs économiquesclésdans les zones marginalisées, où ils sont connus pour leur aide à la scolarisation et servent de médiateur dans les conflits locaux, les questions administratives, et même les problèmes conjugaux. Ces accrochages plus ou moins violents ont pris une forme beaucoup plus radicale en 2013, après l’assassinat du militant de gauche Chokri Belaïd. Cet événement constitue un fait notable dans l’histoire de la Tunisie contemporaine. Il marque l’entrée du mouvement jihadiste sur la scène politique du pays et révèle l’une des facettes de l’islamisme. Cet assassinat a déclenché une vague de protestations partout dans le pays et la démission du Premier ministre Jebbali le 19 février 2013, à un moment où le gouvernement de la troïka est largement critiqué pour sa gestion chaotique de l’après printemps arabe. Si les éléments matériels pour réussir la transition démocratique ont été réunis, à savoir un compromis entre les différents composants politiques pour la formation du gouvernement, des élections libres et transparentes, la restauration de l’autorité dans une période d’incertitude et la séparation des pouvoirs exécutives, législatives, et judiciaires (Cesari, p.239), l’assassinat de Chokri Belaïd a mis à mal « l’élément symbolique », celui de la confiance populaire dans le gouvernement. Cinq mois après, l’assassinat de Mohamed Brahmi, élu à l’Assemblée constituante et militant de l’opposition, le 25 juillet 2013, a intensifié la crise politique en déclenchant le sit-in du dégagisme (irhal) après le retrait de 60 membres de l’opposition de l’ANC. Ces assassinats ont amené les puissances internationales à revoir leurs soutiens aux partis islamistes, désormais incapable de mettre un terme à la violence que connaît le pays, notamment après l’éclosion de l’Etat libyen[8].
La participation de l’UGTT et de groupes de la société civile, notamment le syndicat des employeurs, l’ordre des avocats tunisiens et la Ligue des droits de l’Homme du pays, a modéré l’agitation populaire, favorisant la mise en place d’un « dialogue national », véritable réussite pour la démocratie tunisienne[9]. Cet élément, absent dans l’équation égyptienne, élucide à bien des égards les atouts dont dispose la Tunisie. En modérant le débat entre les différents acteurs, ce « Quartet » a institutionnalisé le compromis comme le mode de régulation des conflits. Il a également légitimé l’irruption d’une société politique politisée au cœur de l’échiquier politique ( Nachi, 2017, p. 367). D’autant plus, la Tunisie se présente comme une nation homogène issue d’une civilisation diversifiée. Elle est pour reprendre la formule de Safwan Massri « dans et dehors le monde arabe ». Cette modernité précoce explique la forte société civile tunisienne et son plus haut niveau d’institutionnalisation. Le fait que la société civile ait fréquenté les bancs de l’école coranique, oblige Ennahdha à un « partage de Dieu » dans la mesure où toute la Tunisie se reconnaît dans l’islam. Les partisans d’un Etat civil possèdent une expertise en matière d’interprétation religieuse comparable à celle des islamistes. Cette donnée de taille, absente dans d’autres parties du monde musulman, où les islamistes ont tendance à s’approprier le domaine de l’expertise théologique, contraint Ennahdha à débattre sur un pied d’égalité et reculer face aux revendications de la société civile (Filaly Anssari, 2016). Aussi, on dénote l’existence en Tunisie d’associations disposant d’une autorité suffisante, notamment l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), le syndicat des avocats, la Ligue des droits de l’homme, et capables de jouer un rôle intermédiaire entre les différentes composantes. En Égypte, le syndicat officiel a été discrédité et les deux parties ne pouvaient considérer aucune autre organisation comme neutre. Le formalisme juridique et le rôle prépondérant accordé au droit en Tunisie favorisent l’épanouissement du compromis (Gresh, 2014). De même, en Tunisie, l’armée n’a pas le même rôle qu’en Egypte. Mise à l’écart par l’ancien président Zine el-Abidine Ben Ali depuis 1991, l’armée tunisienne n’a jamais développé les intérêts économiques ou institutionnels qui la conduiraient en politique (Grewal, 2015).
La « démocratie musulmane » d’Ennahdha : une alternative ?
L’Histoire constitue un enjeu majeur dans l’élaboration du compromis tunisien. Durant notre terrain en Tunisie, les interviews que nous avons conduis nous ont révélé que les barrières identitaires sont parfois le produit de la méconnaissance de l’histoire de l’autre. Après la révolution, l’occasion ne s’est pas présentée aux jeunes d’Ennahdha et Nidaa de connaître l’histoire respective des deux formations, laissant la suspicion hanter l’esprit de ces jeunes. La tension qui a caractérisé la période post-révolutionnaire, les préjugés et les rumeurs inhérents aux campagnes électorales ont occulté une analyse profonde et apaisée sur l’idéologie des partis politiques tunisien. Avec le printemps arabe et la volonté populaire d’édifier une société soudée, l’ouverture sur l’histoire respective des formations islamistes et laïques est devenue une évidence. L’approfondissement des trajectoires de chaque courant révèle la proximité que peuvent avoir parfois les militants, notamment face à un ennemi commun. C’est dans ce sens que nous pouvons situer l’aggiornamento d’Ennahdha, une réconciliation avec l’histoire de son pays. Tenu entre le 20 et le 22 mai 2016 à Hammamet, le 10e congrès d’Ennahdha est un tournant majeur dans la vie politique du parti. On peut lire dans la motion finale que « ce congrès historique démontre que le mouvement Ennahdha a dépassé dans la pratique toutes les prétentions provenant de ceux qui le considèrent comme une partie de ce qui est appelé l’islam politique »[10]. Ennahdha considère que son action s’insère désormais dans un large courant de musulmans-démocrates qui rejette l’opposition ontologique entre l’esprit de l’islam et les valeurs de la modernité.
Ce nouveau projet s’articule autour de la flexibilité intellectuelle des islamistes, l’acceptation de la différenciation du religieux et du politique et la renonciation à l’ambition hégémonique. En relativisant la vision théologique du monde, les islamistes inscrivent le spirituel dans le temporel et la politique dans la temporalité. Ainsi, le parti s’est doté d’une nouvelle école « Riyada pour la formation et le leadership », une ambition de sa part de prêcher les vertus du professionnalisme et de la connaissance positive. Parmi les axes proposés, l’histoire de la Tunisie figure parmi les disciplines majeures de la nouvelle socialisation partisane. Il s’agit d’élargir les références dogmatiques acquises tout au long de la trajectoire du parti, pour intégrer le réformisme tunisien et la composante méditerranéenne. Dans son chemin de reconversion vers le modèle démocrate-chrétien, Ennahdha semble marquer une certaine distanciation vis-à-vis des legs qutbistes qui, en véhiculant la notion de la jahiliya, empêchent tout rapprochement avec l’autre. Remettre l’altérité au cœur de la démocratie musulmane au cœur semble être le pari d’un parti qui baigne dans la culture bourguibiste en la réfutant. Le pois de ses nouveaux entrants, exilés et socialisés dans la Tunisie post-révolutionnaire, peut nourrir à long terme une conversion complète de la formation partisane vers un modèle civile.
C’est sous la plume de Rached Ghannouchi qu’on trouve cette ébauche du compromis dans le néo-discours d’Ennahdha. En Allemagne, la fondation Averroès pour la libre-pensée a décerné en 2014 son XVIe prix annuel au doctrinaire dans la catégorie « L’islam soluble dans la modernité ». On peut lire dans le communiqué que ce prix « est attribué à un personnage central dans la vie politique tunisienne, qui œuvre pour la défense de l’Etat civil, la compréhension de la démocratie dans l’islam contemporain, et de par sa conviction que l’islam est compatible avec la démocratie ». La figure d’Averroès est significative. Cette icône du rationalisme permet à Rached Ghannouchi de rouvrir une brèche des Lumières éclipsée par l’orthodoxie du fiqh. Il expose les bienfaits civilisationnels d’un néo-aristotélicien en terre d’islam, « ce produit d’Andalousie qui a brillé par ses Lumières sur le Moyen âge, véritable pont entre la civilisation arabe dans son âge d’or et l’Occident »[11] ( Ghannouchi, 2018, p. 27). L’importance d’Averroès réside dans sa faculté de concilier les dialectiques et arrimer les contradictions. Cet esprit de compromis favorise l’ancrage de la modernité au sein du patrimoine musulman et promeut la démocratie musulmane comme « une vision humaniste (…) comme avancée à l’époque de la réforme religieuse, en instillant un équilibre entre l’âme et la matérialité » ( Seniguer, 2014, p. 125). Pour Ghannouchi, Averroès incarne cette image de vivre-ensemble, qui permet de revivifier « l’arbre tunisien dans un champ des clivages idéologiques entre les islamistes et les laïcs, entre une société religieuse et une société politique »[12]. Cet attrait pour Averroès s’est prolongé lors de ses interventions en Tunisie dans les congrès académiques portant sur le thème de « la réforme du champ religieux ». En insistant sur la valeur durkheimienne de la religion comme le ciment de la solidarité sociale, Rached Ghannouchi se sert d’Averroès pour résoudre la dialectique entre la religion et la démocratie à travers l’incitation à l’usage de la raison pour atteindre la vérité. Le recours à cette figure s’inscrit donc dans une logique de réconciliation avec le patrimoine musulman. Cette perspective rationaliste favorise l’unité et atténue les clivages sociaux. Elle élève « l’action politique au service de l’intérêt général et ramène la religion à la sphère de l’éthique et des valeurs »[13] (Ghannouchi, op, cit). Cette nouvelle conception de la démocratie qui, contrairement à Sayed Qutb, remet en cause la conception islamique de l’Oumma, en introduisant la citoyenneté en Islam. Par ailleurs, dans sa conceptualisation de la sécularisation, Ghannouchi montre une grande adhésion à ce principe. Il estime que les élites du monde arabe l’ont instrumentalisé en le dépouillant de son idéal. Influencé par le modèle laïc britannique dans lequel il a passé son exil, Ghannouchi raisonne en terme de jonction entre l’islam et la culture occidentale sans se référer à une stricte séparation entre la Religion et l’Etat.
Conclusion
la circulation d’une valeur au-delà de la Tunisie
Par un détour de la notion de compromis, la Tunisie offre une alternative porteuse d’espoir et propice à l’émergence d’une culture citoyenne et du libéralisme politique. Valeur si profondément ancrée dans la culture arabo-musulmane, le compromis est un paradigme qui doit être approfondi dans l’étude du processus de transition démocratique en cours en Tunisie. En invitant les partis à se réconcilier et à se séparer de leurs idéologies révolutionnaires, il contribue par sa dimension inclusive à dépasser la démocratie procédurale et à construire une démocratie forte. La Tunisie, partageant la même culture que ses voisins, au-delà de l’héritage Ottoman, pourrait bien inspirer le Maroc ou l’Algérie par exemple. Cette dernière, très marquée par le poids de la colonisation, de l’armée, et de la confrontation avec l’islamisme, peut initier son propre chemin pour se réconcilier avec son passé. Le compromis semble être la seule solution pour atténuer la violence politique et militaire qui traverse le pays où aucun accord n’est possible entre les gouvernements successifs, l’armée et le FIS. Le Maroc, vanté comme un modèle de stabilité politique, vit néanmoins depuis quelques années au rythme de secousses reflétant diverses revendications sociales et politiques, et dont le Hirak du Rif n’est qu’un exemple. A l’heure où la question ethnique et linguistique refait surface et où la sécularisation de la société s’accentue sous me double effet de la modernisation et de la démocratisation, il est vital que les marocains se retrouvent pour redéfinir le pacte social entre la monarchie qui jouit d’une légitimité transhistorique et politique, et le peuple dans ses différentes composantes et ses variantes plurielles.
Notes
[1]– Dans un essai de définition, Mohamed Zine Elabidine Hamda définit la tunisianité comme un label d’une Tunisie qui se présente comme un pays-monde qui abrite une tradition millénaire des échanges civilisationnels et des religions monothéistes.
[2]– Par opposition à Blad Mekhzen, Bled Siba est une forme de contestation politique tribale qui a caractérisé l’histoire du Maroc. Certaines tribus, tout en admettant la légitimité spirituelle du sultan, refusaient sa souveraineté temporelle et ne toléraient aucune forme de l’administration chérifienne. Pour plus de détails, voir ( Laroui, 1977).
[3] Mamelouk d’origine circassienne ayant débarqué en Tunisie à l’âge de 8 ans, il devient rapidement l’homme de confiance d’Ahmed Bey. En 1857, il est nommé ministre de la marine avant de gravir les échelons quatre ans après pour présider le conseil suprême, la plus haute instance créée par la constitution de 1866. Elevé au palais, il suit des études en arabe, dans les sciences musulmanes, pour entrer ensuite dans les rangs de l’armée. Il a acquis des connaissances militaires sous la direction d’une commission d’officiers français envoyés pour organiser et instruire les troupes du Bey. Parcourant successivement tous les degrés de la hiérarchie militaire, il devient colonel dans le service d’aide de camp de S.A Ahmed Bey. Promu Férik (Général de division), il abandonne par la suite sa carrière militaire pour entrer en politique.
[4]– Pour Edward Tylor, les résidus culturels sont des processus mentaux, idées, habitudes, modes de comportement, opinions et croyances qui prévalaient dans la société à un moment donné et que la société maintient encore malgré son passage à un nouvel état. Voir Tylor, Edward B. “Remarks on Totemism, with Especial Reference to Some Modern Theories Respecting It.” The Journal of the Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, vol. 28, no. 1/2, [Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, Wiley], 1899, pp. 138–48.
[5]– « Aussi la Tunisie, est-elle attachée à son arabité et à son islamité. La langue arabe s’est étendue à toute sa population pour devenir, depuis des siècles, la langue du discours, de l’écrit et de la culture et l’Islam s’y est répandu pour toucher tous les habitants sans sectarisme ni clanisme ». Extraits du Pacte National du 7 novembre 1988.
[6] Ont participé à cette grève de la faim Ahmed Najib Echabbi du PDP, Hemma Hemmami, porte-parole du PCT, Samir Dilou d’Ennahdha, l’activiste Ayachi Hemmami, Mohamed Ennouri, président de l’Association pour la défense des prisonniers, Lotfi Hejj, Abd Arrouf Ayadi du PC et Mokhtar Yehyaoui.
[7] Pour Givoanni Sartori, le « consensus procédural » porte sur les « règles du jeu ou les procédures »; il constitue pour Giovanni Sartori une condition fondamentale de la démocratisation. Ce consensus n’exclut pas le désaccord sur les « valeurs ultimes » ou les « politiques publiques.
[8] Au lendemain de l’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd, Manuel Valls a fustigé « l’islamo-fascisme », appelant à soutenir les forces laïques de la Tunisie.
[9] En octobre 2015, le comité Nobel a attribué le prix Nobel de la paix au Quartet du dialogue national, saluant « sa contribution décisive dans la construction d’une démocratie pluraliste en Tunisie après la révolution du jasmin de 2011 ».
[10] Motions du 10e congrès d’Ennahdha, Hammamet 20,21 et 22 mai 2016.
[11] GHANNOUCHI Rached, Vers un nouvel .. op. cit., p. 27.
[12] GHANNOUCHI Rached, op. cit., p. 31.
[13] Ibid., p. 86.
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